AQUARIUM

Les planorbes ne sont pas indésirables !

La plupart du temps, les planorbes arrivent dans vos bacs avec vos nouvelles plantes. Beaucoup d’aquariophiles débutants les considèrent comme un fléau, comme une vraie catastrophe dont il faut se débarrasser au plus vite. Pourtant, ces escargots « indésirables » sont le plus souvent inoffensifs et même très intéressants et très utiles !

Qui sont les planorbes ?

En aquariophilie, ceux que l’on connaît sous le nom de “planorbes” constituent en fait deux espèces : Planorbarius corneus, le grand planorbe brun de nos bassins de jardin en Europe, et Planorbella duryi, le gastéropode qui hante nos aquariums. Ce dernier est une espèce endémique en Floride.

Planorbarius corneus, le grand planorbe brun de nos bassins (photo : Chris Lukhaup)

En plus de la forme sauvage brun “classique”, il existe plusieurs variantes colorées. Celles-ci sont de plus en plus populaires en aquarium. Mais elles sont souvent compromises si des planorbes d’autres couleurs sont déjà présents : toutes les couleurs peuvent se « croiser » entre elles, ce qui au fur et à mesure détruit la lignée colorée.

La forme « rouge » présente un corps rougeâtre et une coquille orange.

Planorbe rouge (photo : Chris Lukhaup)

Pour la forme « rose » le corps est aussi rougeâtre mais la coquille est en réalité blanche semi-transparente, et c’est la couleur du corps que l’on voit à travers la coquille qui donne la teinte rosée !

Planorbe rose (photo Chris Lukhaup)

Même chose avec la variante « bleue » : coquille blanche lactescente et corps foncé violacé qui donne une teinte bleue.

Planorbe bleu (photo : Chris Lukhaup)

Chez les juvéniles, on observe des taches formant une robe “léopard” qui s’estompe au fil du temps et finit par disparaître. Il s’agit en fait d’une concentration de pigments, qui sert aussi de camouflage. Méfiez-vous donc des vendeurs peu scrupuleux qui vous proposent des « planorbes léopards » !

Planorbe brun juvénile avec une robe tachetée (photo : Marie-Sophie Germain)

Attention aussi aux « planorbes rayés » (ou « planorbes géants ») : il s’agit d’une toute autre espèce, Marisa cornuarietis, qui ne fait même pas partie de la famille des Planorbidés mais de celle des Ampullaires, dévastatrice pour vos plantes…

Des hôtes aux particularités fascinantes

Les planorbes peuvent survivre dans des milieux pauvres en oxygène grâce à une caractéristique très rare chez les invertébrés : leur sang contient de l’hémoglobine, comme celui des mammifères ! L’hémoglobine est le pigment rouge qui permet le « transport » de l’oxygène. Et qui dit « hémoglobine » dit « poumons » : les planorbes font donc partie de la famille des escargots pulmonés, ils respirent de l’air, et c’est pourquoi vous les voyez souvent à la surface ou sortir de l’eau. Vous pouvez aussi les voir se déplacer en flottant de haut en bas,  en ajustant leur niveau d’air dans les poumons.

Autre fait intéressant, la coquille discoïde plate du planorbe recèle un secret : elle semble s’enrouler sur la droite (coquille dextre), alors qu’en réalité elle s’enroule sur la gauche (coquille senestre) : c’est le fait que la coquille soit portée « à l’envers » par rapport aux autres espèces qui la fait ressembler à une coquille dextre.

« Pourquoi mon bac est-il envahi de planorbes ? »

Le planorbe est un escargot hermaphrodite très prolifique : il dépose des « cloques » gélatineuses sur les feuilles où les parois de l’aquarium, d’où sortent une vingtaine ou une trentaine de petits ! C’est pourquoi une population peut augmenter très rapidement. Cette espèce peut aussi se reproduire par parthénogénèse, c’est-a-dire qu’un seul individu peut fabriquer des « clônes », mais avec seulement 5% des oeufs viables.

Le problème de surpopulation auquel beaucoup d’aquariophiles sont confrontés peut être évité très simplement. Il faut d’abord se poser la question : « pourquoi mon bac est-il envahi de planorbes ? »

Beaucoup d’espèces se reproduisent le mieux quand les conditions sont très favorables. Cela veut dire que si vos planorbes sont nombreux, c’est parce qu’ils trouvent beaucoup de nourriture ! La suralimentation et le défaut de nettoyage après le nourrissage (ne pas enlever les restes non consommés) sont les causes principales de l’invasion d’escargots.

Sur le long terme, vous pouvez donc réduire cette population en évitant de suralimenter vos poissons et en retirant scrupuleusement les restes de nourriture. Pour les éradiquer plus rapidement, les aquariophiles ont plusieurs solution : le ramassage à l’aide de pièges ou d’outils spéciaux comme le SnailCatcher, et l’élimination par des poissons mangeurs d’escargots (loches, tétraodons…) ou des escargots carnivores (Anentome helena). Les produits chimiques sont fortement déconseillés.

Des auxiliaires très utiles

Pourquoi tuer ces hôtes intéressants et souvent très utiles ? Les planorbes ne mangent pas seulement les restes de nourriture, ils broutent aussi les algues, et consomment les feuilles mortes ou autres végétaux en décomposition, ainsi que les cadavres de poissons ou d’invertébrés. Ce rôle de nettoyeur est très utile, surtout dans les zones de l’aquarium qui sont inaccessibles !

Ils sont aussi un excellent indicateur de la qualité de l’eau : si vous les voyez tous concentrés près de la surface de l’eau, c’est que vous avez un pic de nitrites ! Ce comportement peut aussi indiquer un manque d’aération, un trop faible mouvement à la surface de l’eau qui ne permet pas un bon échange de gaz, ce à quoi les planorbes sont très sensibles.

Une mauvaise réputation vraiment injustifiée

Les amoureux de gastéropodes d’aquariums se désolent de voir que ces escargots magnifiques et fascinants ont encore malheureusement une bien mauvaise réputation. Certes, ils peuvent parfois s’attaquer aux plantes, mais les victimes sont surtout les Pogostemon helferi et plantes flottantes Limnobium laevigatum, dont les feuilles très tendres ne résistent à la langue râpeuse. Et cela arrive surtout quand les planorbes n’ont rien à se mettre sous la radula ! Des escargots bien nourris – comme c’est le cas dans les bacs avec des poissons ou crevettes – ne touchent pas aux plantes saines. Alors pourquoi ne pas leur donner une chance ?

Par Marie-Sophie Germain

Photos : Chris Lukhaup