Tout le monde adore les animaux mignons. Sur les réseaux sociaux, nous « likons » et partageons tous les photos de ces petites bêtes facétieuses, parfois mises en scène dans un décor thématique, un beau paysage ou même affublées de déguisements. Mais ces « stars » malgré elles sont-elles heureuses ? Quel est l’envers du décor ? NAC Magazine a fait sa petite enquête.
Les petfluencers (contraction de « pet influencers » : influenceurs animaliers) sont de plus en plus nombreux à s’afficher sur la toile. Il y a les petfluencers humains, et les petfluenceurs qui sont eux-même des animaux. Avec leur très fort potentiel de « mignonnitude », les petits mammifères de compagnie ne sont pas en reste, et beaucoup l’ont bien compris. Certains lapins, cochons d’Inde, hamsters, gerbilles, écureuils ou même hérissons pygmées ont des centaines de milliers voire des millions de followers… et font vendre beaucoup de produits dérivés.
Image + animal : une combinaison toujours payante
Sur les réseaux sociaux, les images sont extrêmement importantes. Un contenu a 94% plus de chance d’être aimé et partagé s’il contient une belle image. Le cerveau traite les images 60 000 plus vite que le texte, et 90% des informations transmises au cerveau sont de type visuel. Les photos nous connectent directement à nos propres émotions. Il faut savoir que les contenus qui suscitent une réaction émotionnelle ont beaucoup plus de chance d’être retenus, ils influencent notre mémoire.
Et les animaux sont toujours une stratégie payante sur les réseaux sociaux. Les grandes marques utilisent notre amour pour les bêtes afin de faire encore plus de profit. Certaines marques vont même jusqu’à augmenter de près de 300% le nombre de commentaires et partages lorsqu’elles mettent un animal sur leurs photos ! Elles multiplient leur visibilité en utilisant des hashtags populaires chez les amoureux des animaux, comme #DogsOfInstagram, #NationalPetDay, #TongueOutTuesday ou encore celui mis en place par Instagram lui-même, #WeeklyFluff. Et ce même s’il ne s’agit pas du tout d’une marque de produits pour animaux !
En plus des contenus produits par les marques elles-mêmes, les entreprises ou agences de marketing digital font appel à des petfluencers à la mode pour des placements de produits, qui correspondent plus ou moins à leur univers. Et puis il y a les particuliers qui se mettent à leur compte pour profiter des bénéfices engendrés par la célébrité de leur animal, en vendant des produits dérivés (calendriers, mugs, T-shirts, etc).
Ainsi, qu’ils soient professionnels ou pas, les petfluencers qui partagent les photos de leurs animaux font du picture marketing (« marketing par l’image »), une stratégie payante pour les réseaux sociaux qui misent tout sur l’image, comme Instagram. La photo étant le contenu qui nous touche le plus, qui génère le plus d’engagement de la part des fans et dont on se souvient le plus, il faut qu’elle soit mémorable. Pour cela, un simple portrait ne suffit pas. Pas assez percutant, pas assez original. Il faut alors faire une mise en scène pour se démarquer des autres. On peut en distinguer plusieurs formes, qui ont un impact direct sur le bien-être des animaux. Afin de comprendre un peu l’envers du décor, nous allons examiner quelques exemples.
Comme à la maison
Le premier type de mise en scène ou en situation, c’est le petit décor qu’on fait chez soi, avec éventuellement un déguisement ou des accessoires pour « humaniser » la scène. On peut citer les exemples des célèbres cochons d’Inde Ludwik ou Fuzzberta ou encore l’écureuil Jill. Ici, les animaux sont à la maison, et dans la majeure partie des cas ils ne font que poser sur des photos, parfois avec un petit chapeau ou autre.
Même si certains trouvent ridicule que les rongeurs se retrouvent parfois affublés d’un petit costume, de lunettes ou d’une écharpe, il ne s’agit pas de maltraitance. Pour avoir moi-même fait des photos avec mes cochons d’Inde portant un petit chapeau pour célébrer la Nouvelle Année, je peux vous dire que la séance photo n’a duré qu’une minute, et que mes cochons d’Inde ont été très contents d’avoir un gros câlin ensuite, comme si de rien n’était !
Pour en revenir aux NAC qui sont mis en scène comme Ludwik, Fuzzberta et Jill, on peut imaginer que le stress est minimal.
Dans le même style, on peut citer aussi le cas du refuge The Pipsqueakery, qui fait de très mignonnes photos et vidéos, afin de faire adopter les hamsters ou autres rongeurs qui ont été pris en charge.
De place en place
Et puis il y a les NAC qui sont mis en scène, dans des endroits choisis pour leurs qualités « instagramables » : des décors spectaculaires ou à la mode, et qui rendent bien dans le format carré des images du réseau social. C’est le cas par exemple avec le petit hérisson Mr Pokee, que l’on retrouve souvent sur le dos avec des petites chaussettes, dans les paysages les plus inattendus : à la plage, à la montagne, devant la Tour Eiffel, surplombant un canyon ou devant un château. Il est évident que Mr Pokee doit passer beaucoup de temps dans une caisse de transport, à voyager de place en place, afin que sa maîtresse, étudiante en marketing, puisse obtenir le parfait cliché qui satisfera son million de followers… et lui fera vendre des produits dérivés.
Ici, le hérisson ne semble pas maltraité. Pourtant, le transport est souvent source de stress pour les petits animaux. Non seulement à cause du temps passé confiné dans une caisse de transport, dans le noir, à subir les vibrations d’une voiture ou d’un avion, mais aussi par la suite, avec l’incessant changement d’environnement.
Et un hérisson aime-t-il vraiment être mis sur le dos en équilibre dans le creux de la main, avec le vide en dessous de lui, dans un endroit qu’il ne connaît pas ? C’est la raison pour laquelle ses pattes sont tendues : le hérisson cherche à retrouver son équilibre ou à se remettre sur pattes.
Par ailleurs, n’oublions pas que le hérisson pygmée est originaire d’Afrique et ne supporte pas les basses températures. Est-il légitime de le faire poser « à la montagne » ? Est-il légitime de tenir éveillé pendant la journée un petit animal qui d’ordinaire a un mode de vie crépusculaire et nocturne ?
Avec cet exemple, on voit bien que malgré les photos pleine de jolies couleurs ou décors attrayants qui évoquent des bons moments, certains NAC ne sont vraiment pas à la fête.
Le « cute » à tout prix
Et puis il y a les cas extrêmes, où ce qui paraît mignon est en réalité de la torture. Vous avez tous aimé et partagé cette vidéo d’un lori qui se fait gratouiller sous les aisselles.
Ces loris adorables sont en fait des animaux terrifiés qui lèvent les bras pour essayer de se défendre en sécrétant du venin. Ces petits primates ont été capturés dans leur milieu naturel, et on leur a arraché les dents sans anesthésie afin qu’ils ne mordent pas… Ce type de vidéo « mignonne » qui comptabilise des millions de vues a encouragé les amateurs à vouloir posséder des loris. En Indonésie, ce sont 15 000 loris qui sont capturés et mis en cage chaque année… et qu’on retrouve souvent sur Instagram à lever les bras pour que leur humain récolte des millions de followers.
Il y a « animaux exotiques » et « animaux exotiques ». Si certains animaux aux allures sauvages proviennent vraiment d’élevages et sont domestiqués depuis longtemps, comme par exemple les sugar gliders, d’autres ont un statut beaucoup plus délicat. Récemment, un scandale a éclaté quand les deux petits singes tamarins Didi et Yeti ont commencé à poser pour une marque de bière.

Si certains fans ne comprennent pas qu’on puisse gagner énormément d’argent en utilisant des animaux à des fins détournées, d’autres alertent sur le trafic d’espèces exotiques le plus souvent sauvages. Car s’il elles sont autorisées dans certains pays (sous condition, comme par exemple l’obtention du certificat de capacité en France), il est illégal d’en détenir dans d’autres. Et les refuges sont nombreux à déplorer les abandons de singes ou autres animaux dont la maintenance s’est révélée bien trop compliquée pour leur ancien « propriétaire »…
Soyons vigilants !
De toute évidence, la production de contenus visuels avec des animaux mignons a un réel impact sur leur bien-être. Si certains qui restent chez eux avec leur humain attentionné qui ne les embête pas trop, d’autres ont une vie stressante voire épouvantable.
Alors avant de liker ou partager une photo ou une vidéo de NAC mignon, il convient de se poser les bonnes questions sur le bien-être de ces stars « à poils » :
- De quelle espèce s’agit-il ? Est-ce une espèce domestique ou une espèce arrachée à son milieu naturel ? S’agit-il d’une espèce qui s’apprivoise bien ou qui est naturellement très craintive et stressée à la moindre manipulation ?
- Où a été prise la photo ? A la maison ou dans un énième décor à l’extérieur, qui suppose que l’animal a été transporté de multiples fois ?
- Dans quelle position est-il ? Est-il dans une position naturelle, ou bien inconfortable, voire dangereuse ?
- Les déguisements sont-ils source d’inconfort ? A-t-il simplement un petit chapeau posé sur la tête ou bien un déguisement de type « robe fourreau » très difficile à mettre sur un petit animal qui a du se débattre pour y échapper ?
Une fois qu’on a des éléments de réponse, il convient de se poser la question ultime : faut-il vraiment liker et partager ?
Par Marie-Sophie Germain
Photo en tête de l’article : @mr.pokee

Catégories :BIEN-ÊTRE, PROTECTION ANIMALE