ALIMENTATION

L’insulinome : le diabète du furet

Si la maladie surrénalienne est aujourd’hui une des principales causes de mortalité du furet, elle partage ce macabre podium avec une autre maladie grave, encore trop méconnue du grand public : l’insulinome. Pourtant, des précautions simples permettent de limiter efficacement le risque d’apparition de cette forme de cancer. NAC Magazine vous en dit plus sur cette maladie et sur la façon de prévenir sa survenue.

Qu’est- ce que l’insulinome ?

Les mécanismes de l’insulinome sont proches de ceux du diabète, raison pour laquelle on l’appelle parfois « diabète du furet ». Il s’agit d’une forme de cancer du pancréas, dû au développement de tumeurs au niveau des unités fonctionnelles chargées de produire de l’insuline (îlots de Langerhans). Il existe deux formes principales d’insulinome :

  • Une forme localisée, c’est-à-dire que des tumeurs individuelles sont observables au scanner ou à l’échographie.
  • Une forme diffuse, causée par la transformation des populations cellulaires, sans qu’aucune masse observable ne soit décelée. La maladie est mise en évidence par l’examen approfondie d’un échantillon de tissu pancréatique.

Le développement de cellules cancéreuses au sein des îlots de Langerhans rend leur fonctionnement anormal, ce qui augmente très nettement la production d’insuline. Sans traitement adapté, le furet finit par tomber dans le coma et décède quelques semaines ou mois après l’apparition des premiers symptômes.

La maladie touche principalement les furets adultes entre 3 et 5 ans.

À quoi sert l’insuline ?

L’insuline est une hormone produite par le pancréas, dont le rôle est de contrôler la glycémie, c’est-à-dire le taux de sucre dans le sang. Le dosage sanguin d’insuline détermine si le sucre peut continuer à circuler, s’il doit être stocké, ou s’il faut en consommer à nouveau. L’insuline intervient pour faire baisser la glycémie, tandis qu’une autre hormone (le glucagon) permet de la faire remonter. Ces hormones sont indispensables à la vie, car un taux de sucre est trop élevé ou trop bas peut avoir des conséquences dangereuses pour l’organisme.

Si le taux de sucre dans le sang atteint un niveau trop bas (hypoglycémie), les cellules ne sont plus alimentées en énergie et finissent par mourir. C’est pour cette raison qu’une personne diabétique ou un furet atteint d’insulinome peut tomber dans le coma et mourir des suites d’une hypoglycémie non prise en charge.

Principaux symptômes

Le premier symptôme constaté par les « parents » de furets malades est souvent un affaiblissement, voire une léthargie : le furet n’arrive plus à jouer longtemps, il se fatigue très vite, semble épuisé et dort beaucoup plus que d’habitude.

Un autre symptôme précoce de la maladie est une modification drastique de l’appétit : le furet cesse totalement de s’alimenter seul (anorexie), ou se met au contraire à manger beaucoup plus souvent sans raison apparente. De plus, il porte fréquemment ses pattes avant à sa bouche comme s’il voulait se gratter les dents, ce qui signifie qu’il souffre de nausées.

Le furet présente une perte de poids rapide, sa température corporelle est anormalement basse (hypothermie) et il peut présenter un affaiblissement du train arrière ainsi que des convulsions.

Diagnostic et prise en charge

Le diagnostic se fait principalement grâce à une analyse sanguine, révélant un taux très élevé d’insuline (hyperinsulinémie) ainsi qu’une hypoglycémie. Pour affiner le diagnostic, le vétérinaire effectue généralement une échographie abdominale. Si aucune tumeur pancréatique n’est visible à l’échographie, il est possible d’avoir recours au scanner ou à une analyse histologique.

Si votre vétérinaire a le moindre doute concernant la cause de l’hypoglycémie de votre furet, il vous proposera d’explorer d’autres pistes (infection par des Helicobacter, malabsorption du glucose, polyglobulie…). Faites-lui confiance et ne négligez aucune hypothèse, car la cause de l’hypoglycémie est déterminante dans le choix du traitement.

Lorsque les tumeurs sont localisées, il est parfois possible de les retirer par chirurgie, ce qui réduit temporairement les symptômes de la maladie. Les récidives sont toutefois très fréquentes.

En cas d’insulinome diffus, la thérapie repose principalement sur la prise de médicaments augmentant la glycémie : diazoxide (Proglycem®) par voie orale, souvent combiné à un traitement corticoïde oral ou sous-cutané (prednisolone, dexaméthasone…). En début de traitement, des contrôles de glycémie seront effectuées 1 à 2 fois par semaines pour affiner les dosages et s’assurer que l’organisme du furet répond correctement. Par la suite, il est recommandé d’effectuer au moins un contrôle sanguin par mois.

Bien que la maladie soit toujours mortelle à moyen terme, la mise en place d’un traitement adapté permet d’augmenter significativement les chances de survie. En effet, si un furet non soigné ne survivra pas plus de quelques mois, un animal correctement pris en charge pourra espérer vivre jusqu’à 3 ans de plus.

Comment réagir lors d’une hypoglycémie ?

Lors de crises d’hypoglycémie ou/et d’anorexie, il est impératif de faire remonter rapidement la glycémie à l’aide d’aliments faciles à manger, équilibrés et très appétents : pâtée Hill’s a/d, Royal Canin Convalescence Support, Fortol, Oxbow Carnivore Care

En cas de faiblesse extrême, vous pouvez frotter les gencives de votre furet avec du miel ou lui faire boire de l’eau sucrée à la seringue (sans aiguille). Une augmentation notable de la fréquence des crises hypoglycémiques signifie que le traitement du furet doit être réajusté.

Quelles sont les causes ?

Cette maladie est malheureusement très peu étudiée par les chercheurs en biologie animale, et on ne connaît pas encore tous les mécanismes de son apparition. Cependant, deux grandes causes d’insulinome ont été avancées :

  • De possibles causes génétiques: l’insulinome survient plus fréquemment au sein d’une même lignée de furets, lorsqu’un des furets est touché, qu’entre deux lignées totalement différentes.
  • Une alimentation trop riche en glucides, presque toujours à base de croquettes: on estime aujourd’hui qu’il s’agit de la principale cause d’insulinome en Europe.

Cette deuxième cause, très probable selon les observations des vétérinaires spécialisés, est directement liée aux caractéristiques digestives du furet. Son organisme est totalement inadapté à la consommation régulière de glucides.

En quoi l’excès de glucides est-il nocif ?

Pour répondre à cette question, il faut revenir aux origines du furet, et se pencher sur son métabolisme digestif.

Le furet est un carnivore strict, domestiqué à partir du putois européen (Mustela putorius putorius). Dans la nature, ce mustélidé se nourrit principalement de rongeurs, de batraciens, d’oisillons et de lézards. Les aliments végétaux (fruits, racines, graines…) ne figurent absolument pas au menu de ce prédateur, et ce depuis des millions d’années.

La domestication du furet est assez récente (2500 ans), c’est pourquoi cet animal reste très proche de son ancêtre sauvage au niveau métabolique, y compris en ce qui concerne son système digestif. De sa dentition à l’acidité de son estomac, le furet est spécialisé dans la digestion d’aliments d’origine animale, qui ne contiennent pratiquement pas de glucides (sucres) et stimulent donc modérément son pancréas.

Or les croquettes traditionnelles sont très riches en glucides, car elles sont constituées principalement de céréales (riz, blé…). La consommation de croquettes provoque chez le furet une élévation importante de la glycémie, obligeant ainsi le pancréas à produire des quantités élevées d’insuline.

Au fil du temps, la consommation journalière et répétée de croquettes par le furet « dérègle » son pancréas, ce qui conduit au développement d’un insulinome. Ce mécanisme est comparable à la survenue de diabète de type II chez les humains, lors d’une consommation excessive d’aliments très sucrés (bonbons, sodas, biscuits…) sur le long terme.

Comment prévenir la maladie ?

Comme nous venons de le voir, la maladie est très souvent causée par un excès de glucides dans l’alimentation. Un moyen simple de prévention est donc de nourrir son furet avec une alimentation pauvre en glucides et riche en protéines, qui respecte davantage son métabolisme digestif : recettes à base de viandes, proies entières, poissons frais, œufs crus…À l’heure actuelle, les rares études vétérinaires effectuées sur l’alimentation du furet confirment que la consommation d’aliments carnés frais est une à privilégier.

Toutefois, il peut arriver qu’un furet sevré aux croquettes refuse obstinément de manger des aliments crus, malgré de très nombreuses tentatives. Malheureusement, cet animal présente la particularité d’avoir une période d’imprégnation alimentaire très courte : tout aliment qu’il n’aura pas goûté avant l’âge de 6 mois sera refusé. La situation est encore pire chez un furet adulte nourri aux croquettes pendant plusieurs années.

Dans un tel cas de figure, il est vivement conseillé de se tourner vers des croquettes pour chat et chaton sans céréales (appelées Grain Free ou No Grain). Bien qu’elles soient plus riches en glucides qu’une alimentation carnée, ces croquettes ont l’avantage de moins stimuler le pancréas que les croquettes standards. S’il ne faut pas les considérer comme une bonne option d’alimentation, elles font office de « roue de secours » en cas de furet réfractaire aux aliments crus.

Vous l’aurez compris : l’alimentation du furet a un impact considérable sur sa santé, qui va bien au-delà de la brillance du poil. Nourrir son furet avec des croquettes traditionnelles peut avoir des conséquences dramatiques. Chaque année, partout dans le monde, plusieurs dizaines de milliers de furets décèdent des suites d’une alimentation trop riche en glucides. À ce jour, les proies et les recettes carnées constituent la meilleure prévention contre l’insulinome.

En mémoire de Midona…

Par Douchka Brouet
Furetterie Twilight Polecats